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CapOcap, Le blog de Xavier

Préparatifs, carnets de route d'un voyage de plus d'un an à travers l'Afrique du nord au sud.

Carnet de Route MAURITANIE

Publié le 9 Novembre 2009 par Xavier in Carnet de Route MAURITANIE

 


Nouakchott, le 09/11/2009

Chinguetti, c'est d'abord une vision. A la sortie de la piste et de son paysage lunaire, mélange de rocailles sèches et grises, la vue monotone et un peu triste débouche sur celle, surréaliste, de dunes mordorées émaillées de rose et parsemées de palmiers ou d'acacias. Au centre de ce sable émouvant, la vielle ville de Chinguetti, étale et alanguie, offre ses ruines écrasées de chaleur.

Mais, avant d'en arriver là, le parcours depuis la frontière marocaine est dur. Chinguetti semble inapprochable, aux voyageurs lambdas que nous sommes.

Tout d'abord, cinq heures de paperasses aux frontières du Maroc, un no man's land de quelques kilomètres avant la frontière mauritanienne et nous entrons sur l'unique route goudronnée pour descendre plein sud vers la capitale : Nouakchott.

Jusque là aucune ville, aucun village. Cinq cents kilomètres de désert côtier. Le Sahara se meurt ici. Parfois les dunes empiètent sur l'asphalte. Quasiment impossible de s'arrêter, le bas côté peut se révéler être un piège à roues (nous l'avons expérimenté). Bivouac au km250 à « la gare du Nord ». Unique station service avant la capitale, quelques centaines de kilomètres plus loin.

Nouakchott, nous nous y arrêtons 3 jours. Nous prolongeons nos visas pour un mois, celui pris à la frontière n'est valable que 3 jours (coût total : 30€). Camping à l'auberge MENATTA, tenue par Olivia, en centre-ville.

La ville s'est développée très rapidement selon un urbanisme incontrôlé. Prévue pour 20 000 habitants, elle dépasse aujourd'hui le million. Les abords ne sont que bidonvilles et campements sauvages, provenant des régions du Nord, ravagées par la sécheresse, et des populations sahariennes, y compris les nomades, attirés par la fascination urbaine. Nous visitons le « marché-capitale », très typique de l'Afrique.

Et le soir direction le port artisanal de pêche. Les barques arrivent sur la plage. C'est alors un va-et-vient incessant de porteurs. Ils approvisionnent le marché couvert et les coffres de véhicules d'un autre âge...

C'est dans une tempête de sable que nous prenons la route pour re-monter 500 km au Nord-est. La « farine » de sable pénètre de toute part. Notre progression dans ce désert changeant ralentit. La vue se limite à quelques mètres. Nous distinguons parfois quelques dromadaires, qui disparaissent aussitôt dans un voile blanc ou doré soulevé par les rafales de vent. Nous apprécions d'être à deux véhicules. C'est rassurant. Jusqu'à notre bivouac du soir au km260 avons-nous rencontré 10 voitures ?

Aujourd'hui le vent s'est calmé. Et les derniers 250 km de désert seront vite franchis. Ce dernier ne manque d'ailleurs pas d'imagination : champs de sables criblés de cratères, long cordons de dunes rondes ou tranchantes, vagues de sable furieuses montant à l'assaut d'une falaise, dunes en croissant, sables plissés, drapés, en nappes... se multiplient à l'infini. La République Islamique (nous sommes ici en l'an 1430) de Mauritanie est couverte à 90% par ce désert. Il faudra attendre l'approche du fleuve Sénégal, tout au sud du pays, pour retrouver un peu de verdure.

A partir d'ATAR,100 km de piste. Latérite, tôle ondulée et sable alternent alors. Cinq heures seront nécessaires pour franchir la passe.

En attendant nous voici à Chinguetti : « Patrimoine de l'Humanité, capitale culturelle de la Mauritanie, porte du désert, capitale de la pierre taillée, 7° ville de l'Islam », ainsi définie à l'entrée de la ville. Une magnifique dune barrant la route nous a permis de lire longuement le panneau... Nous l'ignorons encore, mais le piège se refermera derrière nous !

Inexorablement victime de l'ensablement, la ville ancienne, dans laquelle il fait bon se perdre, date de 1264 ap.JC. Elle a fait suite à la première ville bâtie en 777 qui s'appelait alors Aber, le petit puits en arabe. La Mecque mauritanienne comptait alors douze mosquées pouvant accueillir chacune 1000 hommes. Enfin, une troisième ville, qui s'organise autour de l'ancien fort français, est née il y a 43 ans, regardant en face l'antique cité et la tenant à distance respectueuse.

Élément de fierté pour ceux qui l'habitent, Chinguetti est considérée comme la 7° ville de l'Islam sunnite. Elle a gagné ce titre grâce à son ancienneté et à l'abondance des livres religieux que renferment ses bibliothèques. C'est l'un des premiers berceaux du savoir de l'Islam pour avoir abrité une université islamique.

Grand carrefour du commerce transsaharien, elle pouvait voir transiter jusqu'à 30 000 chameaux par nuit. Aujourd'hui il ne reste rien de ce lustre d'antan.

Ahmed nous accueille chaleureusement dans sa bibliothèque familiale. Religion, mathématique, astronomie, généalogie... Ahmed a classé tous ses trésors. Il les partage avec les visiteurs, avec enthousiasme et un grand savoir dans un très bon français. Nous découvrons des manuscrits de 7 ou 800 ans écrits sur des parchemins en peau de gazelle. C'est très émouvant de savoir qu'avant nous des chercheurs, de grands érudits du monde musulman les ont parcouru avant nous. Théodore MONOD était également un habitué des lieux.

Le soleil a commencé son repli et les ombres portées des ruines s'allongent. L'air est saturé de l'attente du couchant. Aux bêlements lointains des chèvres et au souffle du vent dans les palmes, se joint alors, presque irréel, l'appel du muezzin.

Le ciel est devenu encre. Un éclair zèbre cette noirceur. Puis deux. Les flashes se succèdent à un rythme accru. Soudain l'eau, tant attendue ici, tombe à grosses gouttes éparses. Tout s'accélère. L'oued, sec depuis des mois, sépare alors l'ancienne et la nouvelle ville se rempli d'une eau bienfaitrice. Il devient torrent. Ici l'orage s'apaisera en quelques heures pour revenir à une forte pluie. Là-bas, à 50 km, vers la passe de Balnati (la seule qui nous permette un accès à Chinguetti) les nuages se complaisent à tourner. Une ronde infernale qui emporte tout sur son passage.

Ce matin Chinguetti est totalement isolée. La piste n'existe plus. Les quelques mètres de goudron qui recouvraient la route, en haut de la passe, sont emportés. Des trous béants de deux mètres l'ont remplacé. Le piège s'est refermé. Chinguetti est le point final de la seule piste y menant !

« Total » qui exploite un nouveau gisement de pétrole dans le désert voisin nous rassure quelque peu. Cette piste leur est indispensable, quelques jours suffiront à réparer provisoirement cet unique passage ! Combien de jours ???

Ne nous arrêtons pas à une comptabilité temporelle occidentale. Ce n'est plus la trotteuse de notre montre qui fait le décompte. Ce n'est pas une poignée de jours, ni même une poignée d'années qui changent grand chose à la planète. Il y a quelques millénaires n'y avait-il pas ici une savane luxuriante ? Quand le désert sera-t-il à nouveau une prairie ? Demain, j'en suis sûr.. « Je déplore la méthode fractionnée de notre époque. Les tâches coupées en tranches, privées de leur racines. L'homme s'est retiré du cosmique, de la fascination de l'universel, de la totalité. Des valeurs propres aux poètes, aux artistes, aux mystiques. Ces valeurs sont inépuisables dans le désert. » (Th. Monod).

Nous visitons le moindre recoin des deux Chinguetti. L'ancien et le nouveau. Nous sommes les quatre seuls « touristes » prisonniers de ce coin perdu dans le désert. Des habitudes sont prises. Nous sommes en immersion totale. Notre connaissance des mauritaniens et de leur culture s'améliore de jour en jour. Les thés coulent sans cesse. La règle est d'en boire trois par famille offrante. Elles sont très nombreuses. L'addiction est toute proche.

Le vent a chassé les nuages. Ce soir je contemple la voie lactée et ses milliards d'étoiles. Cette nuit levez la tête, nous aurons le même spectacle... nous ne sommes pas très éloignés de vous !

Merci qui ? Merci « Total » (je sais que certains d'entre vous vont rire) et plus particulièrement un grand merci à M. SOW, le superviseur. Ce fut notre seul contact rassurant et de parole durant notre séjour forcé ici. Ce matin au téléphone il nous annonce la possibilité de prendre la piste. Ses équipes ont travaillé dur, et notre camionnette franchi allègrement la passe sous bonne escorte de « Total » (les autorités locales ont été invisibles, pour ne pas dire fuyantes...). Plus loin des ponts ont été arrachés, ce sera le Toy de nos amis Michel et Bernadette qui me fera franchir l'oued. Belle et bonne épreuve pour l'avenir de nos pérégrinations africaines avec notre camionnette.

Quant à Chipie, c'est la grande forme. Galipettes avec Papaye, promenades solitaires ou somnolence dans nos jambes sont le quotidien. Elle s'est parfaitement bien habitué au nomadisme.

Dans quelques jours, nous prenons la direction du Sénégal et entrerons en Afrique subsaharienne, après 3000 km de désert. Mais ceci est une autre histoire...

Dernière minute : les visas à la frontière mauritanienne ne sont plus délivrés, il faut donc passé à Rabat avant d'entrer.

Météo locale : 42°C à 13h, hygrométrie 36%. Matin un peu frais à l'intérieur :18/19°.

Change : 1€ = 380 Ouguiya-Um, Gasoil : 250 Um soit : 0,60€/l

Bonne connexion internet à la capitale : 0,55€ / h

Nous ne pouvons pas répondre, personnellement, à tous vos mails ou commentaires, merci ils nous font très plaisir, continuez !!!

 

Toutes les photos Mauritanie sont ICI

 

 

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B
<br /> Merci tonton,tatie de nous faire partager votre voyage.<br /> Je vois que malgré quelques difficultés de route vous gardé le moral et l'humour "total".<br /> Profitez bien de la chaleur car nous l'hiver arrive brrr!!!<br /> Je vous embrasse tous les deux ainsi qu'une caresse a Chipie.<br /> Bérangère<br /> <br /> <br />
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G
<br /> Quelles aventures vous nous faites partager, merci encore et continuez!<br /> Dans 2 semaines je serais au Laos, je traduirai vos récits à mon entourage.<br /> Sur, le soir, en regardant le ciel, je penserai à vous.<br /> Bises.<br /> Guy<br /> <br /> <br />
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